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Hazzan et Ténor, de la Synagogue au Metropolitan Opera :

Richard Tucker (1913-1975)

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Nous célébrons cette année le centième anniversaire de la naissance d’un des grands ténors d’opéra de sa génération, l’Américain Richard Tucker, décédé  prématurément, en 1975, à l’âge de 61 ans.

La carrière de cet artiste et l’édition récente de deux magnifiques coffrets de CD nous amènent à mettre en évidence les liens qui peuvent exister entre la pratique de la Cantillation hébraïque à la synagogue et l’émergence d’une carrière de chanteur d’opéra. Dès les années 1910, en effet, le grand Enrico Caruso avait découvert l’art du chant liturgique juif lors de tournées en Europe centrale. Il s’en était ouvert au chef d’orchestre Otto Klemperer alors que celui-ci s’apprêtait à se convertir au catholicisme.  Ce dernier devait revenir, plus tard, à son Judaïsme originel, au moment de la guerre des Six jours.

Dans la première moitié du XXe siècle, le milieu juif new-yorkais fut une pépinière particulièrement fertile de grandes voix. Les barytons Leonard Warren et Robert Merrill ; les ténors Jan Peerce, Richard Tucker et, plus récemment, Neil Schicoff en sont les exemples les plus marquants. Jan Peerce (1904 1984) et son futur beau-frère, Richard Tucker, ont ainsi officié toute leur vie comme cantors dans les synagogues de la métropole américaine. Ils ont mené en parallèle, la plus brillante des carrières dans le monde lyrique, se produisant sur les plus grandes scènes américaines, en particulier au Metropolitan Opera de New York. L’un et l’autre ont chanté, régulièrement, sous la direction du « Maestrissimo » Arturo Toscanini qui, rappelons-le, a contribué à la fondation du futur Orchestre Philharmonique d’Israël, en 1936.

Richard Tucker, né Rubin Ticker, vit le jour à Brooklyn, le 28 août 1913. Il appartenait à une famille récemment immigrée de Roumanie. Sa carrière d’artiste lyrique se développa surtout après 1945. Si le MET de New York a constitué son port d’attache essentiel, il fut également invité par les plus grandes maisons d’opéra, américaines et européennes, y compris au Covent Garden de Londres, à l’Opéra de Vienne, à la Scala de Milan. Il eut pour partenaires les artistes les plus prestigieux de son temps, en particulier Maria Callas, avec laquelle on a pu l’applaudir, dès 1948, aux Arènes de Vérone. Il grava avec la Diva, les intégrales de la Force du destin et d’Aïda. Concernant ce dernier enregistrement, réalisé à Milan, en 1955, Tucker refusa la présence du chef d’orchestre Herbert von Karajan, dont on connaît l’attitude plus que discutable lors de la dictature nazie, et imposa son remplacement. Une de ses dernières prises de rôle, au début des années 1970, sera consacrée au personnage d’Eléazar dans La Juive, le chef-d’œuvre injustement oublié de Jacques Fromental Halévy.

La parution récente de deux coffrets importants de CD, sous le label Sony Classical, illustre bien ce croisement entre la pratique du chant synagogal et la vocation pour le grand opéra. Il s’agit de rééditions de récitals réalisés essentiellement dans les années 1950 et 60 par CBS dont Sony a racheté les droits, les grandes intégrales gravées par le ténor ayant été essentiellement éditées par RCA. Le premier de ces coffrets est consacré à l’opéra, avec, entre autres, une anthologie remarquable d’airs d’opéra français, enregistrés à Vienne sous la direction de Pierre Dervaux. Le second est composé de 14 CD et il nous intéresse, ici, plus directement. Outre plusieurs compilations de mélodies populaires, notamment napolitaines, il comporte, en effet, six CD de compositions religieuses pour la synagogue, complétées par des chants profanes en rapport avec la tradition juive. C’est là un corpus du plus haut intérêt que le néophyte peut découvrir avec passion. Signalons d’abord, sur deux CD différents, la présence de l’hymne israélien Hatikva. Et, pour ne rien oublier, citons chaque volume : Cantoral Jewels ; Israel sings ; Welcoming to Sabbath : A Friday Evening Service ; Kol Nidre Service ( avec chophar) ; Passover Seder Festival ; Hatikvah ! Richard Tucker sings great Jewish Favorites. La plupart des œuvres à caractère religieux sont dues au Cantor et Chef de chœur new-yorkais Sholom Secunda qui accompagne ici Richard Tucker.

Une telle qualité éditoriale est assez rare pour être soulignée et le mélomane, surtout familier du répertoire lyrique, pourra ainsi découvrir la richesse et la très noble tradition du chant hébraïque pratiqué à la synagogue. C’est là un juste hommage à un artiste qui, avant de s’illustrer à l’opéra, fut d’abord hazzan dès l’âge de 22 ans et participa au culte au Jewish Center de Brooklyn et au Temple Adath Israël de Manhattan. Richard Tucker demeurera, toute sa vie, profondément croyant. En 1953, il déclarait ainsi à un quotidien new-yorkais : « Je prie avec les mots qu’utilisa George Washington dans une lettre à son successeur Alexandre Hamilton : J’espère que j’aurai toujours suffisamment de fermeté et de vertu pour conserver ce que je considère comme le plus enviable de tous les titres, celui d’honnête homme. »

Jean-Pierre Pister

Article publié dans le numéro 123 de Tichri, le magazine de la Communauté israélite de Metz

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