Contact

mail@gemini-theme.com
+ 001 0231 123 32

Info

All demo content is for sample purposes only, intended to represent a live site. Please use the RocketLauncher to install an equivalent of the demo, all images will be replaced with sample images.

Victoria de Los Angeles (1923-2005) aurait eu cent ans ce 1 er novembre. Elle se prénommait « Victoire des Anges » et avait choisi d’en faire son nom de scène. Combien elle eut raison, tant les sonorités de sa voix, mêlant accents de souffrance et d’espérance, semblaient venir d’un monde autre que celui du commun des mortels.
Même si ces derniers pouvaient, dans ce chant si particulier, desceller comme un écho à leurs propres interrogations.

D’origine modeste (son père était concierge à l’Université de Barcelone), Victoria de los Ángeles López García n’en fit pasVictoria de los Ángeles moins de sérieuses études de piano et de chant au Conservatoire du Teatro Liceu de Barcelone qui lui valurent, quand elle obtint ses diplômes de piano et de chant du Conservatoire à l’âge de 18 ans, les félicitations du jury.
Elle participe d’abord à des prestations publiques avec l’association Ars Musicae de Barcelona. Fondée en 1935, cette dernière se consacrait au répertoire de la musique baroque et de la Renaissance, ainsi qu’au lied allemand et aux mélodies espagnoles et françaises.

La jeune artiste acquiert ainsi, outre un vaste répertoire lyrique, la maîtrise des styles propres à chaque école musicale européenne. Sa carrière débute avec un premier récital au Palau de la Musica Catalana en 1944, aussitôt suivi par ses premiers pas sur la scène du Liceu de Barcelone, dans le rôle de la Comtesse des Noces de Figaro. Son premier prix obtenu au Concours de Genève, en 1947, lui ouvre les portes de l';Angleterre, où elle est invitée pour chanter le rôle de Salud dans La Vida Breve de Manuel de Falla, puis celui de Manon dans l’opéra éponyme de Massenet, sous la baguette de Thomas Beecham.

Ces débuts constituent en eux-mêmes une reconnaissance de ses grandes qualités vocales et stylistiques. Le Palais Garnier l’invite pour incarner la Marguerite du Faust de Gounod, alors chasse gardée des sopranos françaises ; elle chante la Mimi de La Bohême, à Covent Garden, à La Scala, puis au Teatro Colón de Buenos Aires.
Son timbre si particulier exprimait à merveille la fragilité du personnage. L'Opéra de Vienne, la réclame et même Bayreuth où Wieland Wagner l'invite à ouvrir la saison 1961, dans une nouvelle production de Tannhäuser dans laquelle elle incarne le personnage d’Élisabeth face à la Vénus de Grace Bumbry.

Partout le public l’acclame, sans que jamais la cantatrice ne joue les divas.Sa tessiture très étendue lui a permis d’aborder des rôles de mezzo, comme celui de Carmen (dont elle fit ressortir la fierté de la gitane sans tomber dans le piège de la vulgarité dont usaient certaines de ses consœurs), ou les déchirements de Charlotte dans le Werther de Massenet. Autant de prestations que le disque a conservés chez EMI avec ses récitals de mélodies.

Sous ce label, elle laisse un legs discographique particulièrement remarquable par sa qualité et sa diversité (opéras français et italiens, zarzuelas, mélodies françaises, italiennes, espagnoles). Elle a eu la chance d’avoir à ses côtés des partenaires, les plus en vue de son époque, comme dans ses deux versions de Madama Butterfly (l’une avec Di Stefano, en 1954, et l’autre avec l’exceptionnel Jussi Björling) ; on la retrouve de même dans Faust, aux côtés de Nicolaï Gedda et Boris Christoff, sous la direction d’André Cluytens, en 1953 et 1959, avec l’orchestre de l’Opéra de Paris.

Elle incarne Carmen dans le premier enregistrement intégral en stéréo du chef-d’œuvre de Bizet (avec les récitatifs de Guiraud), sous la direction de Thomas Beecham, longtemps considéré comme la meilleure version de l’œuvre (1959). Elle fut une piquante Rosine du Barbier de Séville, en 1952 et 1962, au disque et sur scène. Elle a servi le répertoire lyrique espagnol notamment avec le rôle de Salud, dans le premier enregistrement intégral en mono, puis en stéréo, de l’opéra de Manuel de Falla, La Vida breve (1953 et 1965), sans oublier ses récitals de mélodies de sa terre natale. Elle n’hésita pas à se frotter, avec bonheur, à la mélodie française.

Sans être une comédienne sur scène, elle s’imposait par la qualité musicale de son chant et par la présence tranquille qui émanait de sa personne comme les messins ont pu s’en rentre compte, d’abord sur la scène du Théâtre municipal de Metz, au début des années 1970, comme soliste d’un concert symphonique dirigé par Fernand Quatrocchi, puis 20 ans plus tard, dans la salle de l’Arsenal récemment inaugurée. La cantatrice était alors en fin de carrière et triomphait dans un récital de mélodies françaises et espagnoles, au terme duquel le public debout lui fit une standing ovation de plusieurs minutes.

La fin de sa vie fut assombrie par la mort d’un de ses enfants autiste et elle abandonna alors la scène. Elle nous quitta le 15 janvier 2005 et Barcelone lui réserva des obsèques nationales. Elle est restée chère au cœur de ses compatriotes et des mélomanes du monde entier qui peuvent la découvrir ou la réécouter grâce à son legs discographique, toujours disponible, récemment réédité intégralement par EMI / WARNER sous la forme d’un coffret de 59 CD.

Danielle PISTER

Maître de Conférences « Cum merito » des Universités, vice-présidente du Cercle Lyrique de Metz