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« 2014, l’été meurtrier », pourront penser les mélomanes apprenant la disparitions, ces mois derniers, de plusieurs artistes lyriques qui, à des titres divers, auront marqué la mémoire des mélomanes : le ténor Carlo Bergonzi à 90 ans, le 25 juillet ; les sopranos Cristina Deutekom à 83 ans, le 7 août, Licia Albanese à 105 ans, le 15 août, et Magda Olivero à 104 ans, le 8 septembre. Il serait injuste de ne pas rappeler ceux qui les ont précédés de peu, les barytons-basses John Shirly-Quirk à 83 ans, le 7 avril, et Frédéric Vassar à 66 ans, le 29 avril ; la basse italienne Ivo Vinco à 87 ans, le 8 juin. Comment ne pas associer à ces noms, ceux de chefs d’orchestre qui ont gravé de belles intégrales d’opéra : Julius Redel décédé à 93 ans, le 6 juin ; Rafael de Burgos à 81 ans, le 11 juin ; Lorin Maazel à 84 ans, le 13 juillet.

Dans ce panthéon, Magda Olivero occupe une place particulière parmi les grandes interprètes du XXe siècle, par son exceptionnelle longévité vocale : sa première prestation remonte à 1932, la dernière, alors qu’elle a gardé tous ses moyens, une cinquantaine d’années plus tard, en mars 1981. Elle a alors 71 ans, et elle interprète La Voix humaine, de Francis Poulenc. Malgré ce retrait officiel, elle continue à se produire sporadiquement jusque dans les années 1990. À 83 ans, elle enregistre, accompagnée au piano, des extraits d’Adriana Lecouvreur, que le label Bongiovanni a publiés. À 86 ans, elle chante le monologue d’Adriana dans le film Opera Fanatic de Jan Schmidt-Garre et; à 99 ans, une scène de Francesca di Rimini. Si la puissante de naguère n’est plus là, elle maîtrise toujours cette incroyable longueur de souffle qui a fait l’admiration de toutes les générations de chanteurs qui l’ont côtoyée. Elle ne manque jamais d’apporter sa contribution à la célébration du 15 août, dans l’église de la petite ville où elle réside et ses admirateurs affluent afin de l’entendre.

Elle doit sa technique impeccable à de solides études musicales à Turin (piano, harmonie, contrepoint, puis chant avec Luigi Gerussi), et sans doute au fait qu’elle a côtoyé, à ses débuts, des chanteurs comme le ténor Aureliano Pertile, (1885-1952), héritier d’une grande tradition italienne de chant. Elle partage sa rigueur musicale, sa force expressive, son intensité dramatique, sans que jamais elles ne nuisent aux nuances et aux subtilités stylistiques de la partition. Le grand baryton Carlo Galeffi (1884-1961), éminent chanteur verdien, mais aussi grand interprète des compositeurs véristes, ses contemporains, l’aura peut-être guidée dans ses premiers choix : elle fait ses débuts sur scènes en 1933, dans des rôles de Puccini -Lauretta de Gianni Schicchi, Mimi, Butterfly-, mais aussi de Verdi : Gilda, Nanetta (Falstaff), à la Scala de Milan. En 1937, elle aborde le rôle d'Elsa dans Lohengrin, à l'Opéra de Rome, puis ceux de Violetta, Manon (de Puccini, mais elle chantera aussi celle de Massenet) et Liù. Elle participe ainsi à la première intégrale de Turandot, en 1938, avec la grande Gina Cigna dans le rôle-titre. Elle crée des œuvres contemporaines de compositeurs tels Franco Alfano (Risurrezione, dont il existe un enregistrement pris sur le vif, publié chez Opera d’Oro en 2003, nous permet d’entendre son interprétation) ; Felice Lattuada (La caverna di Salamanca, en 1937). En 1940, elle chante Adriana Lecouvreur de Francesco Cilea qui la considère, dès lors, comme l’interprète idéale de son héroïne. On prétend que Callas elle-même évita d'aborder ce rôle, comme celui de Francesca da Rimini, tant l'art de Magda Olivero passait pour ne pas pouvoir être approché. Pourtant, quand elle se marie en 1941 avec un industriel, elle abandonne la scène et ne donne que quelques concerts de charité pendant la guerre.

Il faudra l’insistance de ses admirateurs inconsolables et surtout la supplique de Cilea, qui se sait condamné et veut, avant de mourir, la réentendre chanter Adriana où il la juge irremplaçable, pour qu’elle accepte, en 1951, de remonter sur scène. Le compositeur disparaîtra avant la première. Fait exceptionnel après une si longue interruption, Magda entreprend une seconde carrière qui durera plus de trente ans. Si elle chante encore un temps Violetta (elle remplace la Callas en 1952, pour une première de La Traviata), elle se consacre désormais au répertoire vériste, même si elle chante la Médée de Cherubini en 1967 à Dallas. À ses rôles précédents, elle ajoute Margherita de Mefistofele, Santuzza, Nedda, Tosca, Giorgetta, Suor Angelica, Fedora, Iris, Minnie (La fanciulla del West), La Wally. Elle a pour partenaires les plus grands chanteurs du temps, ses contemporains comme ses cadets : Tito Schipa, Beniamino Gigli, Ferrucio Tagliavini, Mario Del Monaco, Tito Gobbi, Giuseppe Campora, Giuseppe Taddei, Giuseppe Di Stefano, Franco Corelli, Alfredo Kraus, Plácido Domingo et Luciano Pavarotti auprès duquel elle chantera Tosca à l’âge de 69 ans. Généreuse, elle n’hésite pas à parrainer les débuts de jeunes chanteurs nés après la Seconde Guerre mondiale. Son exploit le plus retentissant est peut-être d’avoir fait ses débuts au Metropolitan Opera de New York, dans Tosca, à l’âge de 65 ans, aux côtés de James King. C’est Marilyn Horne, sa grande admiratrice, qui a insisté pour qu’elle soit enfin invitée, en 1975, et Magda met public et critiques à ses pieds.

Elle possédait une voix immédiatement reconnaissable avec son vibratello spécifique, mais aussi la diction parfaitement claire, la ductilité de la voix, la capacité de modifier son timbre pour l’adapter à la situation dramatique. Elle n’était pas seulement cantatrice, elle était une musicienne accomplie et sa présence scénique en faisait une parfaite tragédienne. Le critique Rodolfo Celletti considérait Magda Olivero comme la plus grande « chanteuse-actrice » du XXe siècle, au même titre que Claudia Muzio et Maria Callas. Mais comme une autre grande interprète de l'opéra italien de l'après-guerre, Leyla Gencer, les studios d’enregistrements l’ont presque totalement ignorée, peut-être parce l’artiste n’a jamais joué les stars et qu’avec Callas et Tebaldi, les producteurs pensaient n’avoir besoin de personne d’autre.

Elle n’a laissé que trois enregistrements officiels, dont deux tardifs dans sa carrière : (Turandot, avec Gina Cigna, Cetra, 1938), Fedora (avec Mario Del Monaco, Tito Gobbi, dir. Lamberto Gardelli, Decca, 1969) et des extraits de Francesca da Rimini (Del Monaco, dir. Nicola Rescigno, Decca, 1969). La liste est longue, en revanche, des prises pirates ou de bandes de radio, republiées par Opera d’Oro  : Adrienne Lecouvreur, en 1959, avec Franco Corelli (2004) ; Madame Butterfly, en 1961 (1999) ; Manon Lescaut, avec Placido Domingo (2005) ; Rizurrezione d’Alfano, (2011) Fedora La WallyIl Tabarro. et de nombreux récitals. Bella Voce a publié, en1999, des concerts donnés à Amsterdam à 1967, 1968 et 1972. On peut trouver la représentation de Tosca à New-York, chez Dom (2004). Gage de l’engouement pour la chanteuse, certains coffrets atteignent sur le Net plusieurs centaines d’euros !

Danielle Pister