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Ne savais-tu donc pas, comédienne imprudente,
Que ces cris insensés qui te sortaient du cœur
De ta joue amaigrie augmentaient la pâleur ?
Ne savais-tu donc pas que, sur ta tempe ardente,
Ta main de jour en jour se posait plus tremblante,
Et que c'est tenter Dieu que d'aimer la douleur ?

 

 

À la Malibran (1850)

Il y a quarante ans disparaissait Maria Callas. Ce fut une surprise douloureuse pour tous les mélomanes qui caressaient encore l’espoir chimérique de pouvoir la voir un jour sur scène. Après tout, elle n’avait pas encore atteint l’âge de 54 ans.

Dans les années précédentes, elle avait, un temps, retrouvé le chemin des studios d’enregistrement et même, en 1973-1974, celui des salles de concert qui la mena, en compagnie son ancien partenaire, Giuseppe di Stefano, jusqu’au lointain Japon.
Elle s’était laissée fléchir car il s’agissait de recueillir des fonds pour financer le traitement médical de la fille du ténor. Mais la Diva avait mis un interdit sur la publication de tout nouveau disque et la rumeur sur ces dernières prestations publiques n’était guère flatteuses. Le public ne la revit plus : refusant toutes les invitations mondaines, elle s’enferma, dès lors, dans son appartement parisien dont elle condamna la porte, même à ses amis. Elle resta « seule, toujours seule », réécoutant sans cesse ses glorieux enregistrements. On ne vit plus, affublée d’horribles lunettes, qu’une silhouette à la tignasse disgracieuse, sur des photos volées lorsqu’elle se rendait au chevet d’Onassis hospitalisé à Paris (1975). Sa dernière apparition comme tragédienne lui fut offerte par Pasolini pour lequel elle accepta de jouer le rôle de Médée au cinéma (1969).

Elle incarnait un personnage impressionnant par son allure altière et sa beauté étrange, mais presque muet. Les mélomanes furent frustrés de ne pas entendre chanter celle qui avait incarné si puissamment l’héroïne de Cherubini. Jamais le cinéma n’a à ce point prouvé que l’image que l’on voit sur un écran n’est qu’une Ombre qui appartient plus au Royaume des Morts qu’à celui des Vivants : un souvenir, un rêve déjà passé avant d’être achevé. En ce 16 septembre 1976, c’est ce que comprirent ses admirateurs :

la Callas n’était plus, et sans doute depuis longtemps. Avait-elle jamais habité leur monde ? Oui sans doute, quand elle était une petite fille disgracieuse, mal aimée par sa mère ; sans doute, quand elle connut la passion amoureuse, fatale à tant d’héroïnes d’opéra. La souffrance, qu’elle connaissait sous bien des formes, avait nourri ses interprétations. Car au-delà d’une technique belcantiste exceptionnelle qu’elle avait acquise auprès d’Elvira de Hidalgo, son professeur de chant, c’est au prix d’une discipline intransigeante qu’elle s’imposa toujours, qu’elle sut trouver, au plus profond d’ellemême, la vérité de ses personnages pour la traduire par les seules couleurs et 2 modulations de sa voix. Interprète accomplie, elle plia cette dernière aux exigences de la musique - qui transgresse parfois les limites d’une tessiture – et à celles de la tragédie.

On laissera aux experts en tout genre le soin de trancher si cette pratique ruina de façon prématurée ses capacités vocales, ou si une cure d’amaigrissement, aussi mystérieuse qu’efficace, la fit entrer dans un autre univers, celui d’une femme qui donna la première place à son bonheur personnel aux dépens de la gloire que l’opéra lui avait apportée. Comme Tosca, elle avait vécu « d’art et d’amour ».

Elle avait abandonné le théâtre et ses pâles héroïnes romantiques, ses furies vengeresses, ses amantes jalouses, ses mères éperdues. Elle les retrouva quand, l’amour l’ayant abandonnée, Maria réécouta ad libitum, dans sa solitude, les interprétations qu’elle en avait données. Double d’elle-même, cette voix, fantôme surgi d’un passé révolu, finit par l’entraîner, à la suite de ces personnages, dans le néant. Quarante ans après, que reste-t-il au mélomane ? Une somme importante d’enregistrements et de prises de son en direct d’opéras et de concerts (récemment restaurés) qui, des années 1950 au début des années 60, donne un panorama complet de la carrière de Callas et des grands opéras italiens - et dans une moindre mesure, de quelques opéras français - du XIXe siècle. Force est de reconnaître que ce que l’on entend ne laisse pas indifférent (en dépit - ou à cause – de certaines raucités du timbre qui peuvent déplaire et de quelques aigus stridents). Il s’agit toujours d’un chant habité, toujours actuel. D’autres sopranos ont depuis peut-être « mieux » chanté certaines de ces pages, mais sans approcher son incarnation unique. Aucune n’a eu un talent aussi versatile. Aucune n’a montré un égal bonheur interprétatif dans un répertoire aussi vaste. On le pressent

Callas, avec le temps, entre dans la mythologie de l’art lyrique, à l’égal d’une Malibran, au destin également tragique. Mais  cette dernière a un avantage sur son lointain épigone : nous ne pouvons lui opposer ni un changement de goût ni apprécier la conduite de sa voix. Nous devons nous fier aux témoignages des contemporains pour imaginer quel était son timbre, son génie en rêvant sur les vers que Musset lui a consacrés dans de célèbres stances À la Malibran. Les inconsolés de la disparition de la Malibran avaient le recours d’aller se recueillir sur sa tombe et d’y déposer des hommages. Les proches de Maria Callas, non seulement se sont empressés de disposer de ses biens mais ont fait disparaître à jamais toute trace de sa personne physique. Raison de plus pour écouter Maria Callas encore et toujours.

Danielle Pister

Maitre de Conférences émérite des Universités, Vice-Présidente du Cercle Lyrique de Metz

 

 

Maria Callas toujours parmi nous

CALLAS Maria Callas PICT 003La disparition brutale de Maria Callas, le 16 septembre 1977, dans son appartement de l’avenue Paul Doumer à Paris, s’est accompagnée d’intrigues et de rumeurs désagréables. Les obsèques célébrées le lundi suivant, dans l’Église orthodoxe de l’Avenue Georges Bizet, furent pour le moins bâclées, ce qui provoqua l’indignation de la Princesse Grace de Monaco, elle-même. 


De plus, et c’est le plus grave, la dépouille de la cantatrice fut incinérée dans la précipitation au Père Lachaise, en dépit des dernières volontés de la défunte dont on connaissait l’hostilité à ce rituel particulièrement barbare, étranger aux valeurs chrétiennes orthodoxes. Quelques jours plus tard, l’urne contenant les cendres était dérobée, puis retrouvée avant que celles-ci ne soient dispersées dans la Mer Égée.

Tout ce macabre scénario devait nourrir les rumeurs les plus folles, y compris l’hypothèse d’un assassinat lancée par le metteur en scène Franco Zeffirelli au début des années 2000. La seule certitude, c’est que l’on sait à quel point Maria fut manipulée et instrumentalisée dans les dernières années de son existence par son amie, la pianiste grecque Vasso Devetsi, qui ne fut pas étrangère, pour d’obscures raisons, à tout ce film morbide. Battista Meneghini, l’ex-mari de l’artiste, devait, lui-même, déplorer publiquement qu’il n’existât aucun monument funéraire sur lequel se recueillir.

 

Dieu merci, Maria Callas est toujours bien présente parmi nous grâce à ses nombreux enregistrements, réalisés en studio ou en « live ». Depuis quarante ans, ce legs discographique n’a jamais disparu des catalogues, en dépit de conditions inégales quoique techniquement satisfaisantes. En 2014, la Warner, héritière du fond EMI, publiait un magnifique coffret de 70 CD reprenant toute les gravures réalisées en studio par Cetra, puis par EMI, de 1949 à 1969. Partant des bandes originales et utilisant les techniques les plus récentes de remasterisassions, cette publication fut un événement considérable, révélant pour la première fois le timbre véritable de la cantatrice. 


A l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition, Warner récidive, de façon plus éclatante encore, en proposant des rééditions d’enregistrements en public que l’on ne connaissait, jusqu’alors, que dans un son généralement très précaire. Cette réalisation a pu être conduite en utilisant des sources jusqu’alors inédites, transférées en haute résolution. Cela nous donne un très bel ensemble de 42 CD et de 3 Blue ray accompagnés d’un superbe livret. Tout est à écouter dans une telle somme.

Signalons d’abord, parmi d’autres, un panel d’œuvres qui n’auront pas l’honneur du studio : le Parsifal diffusé par la RAI, en 1951, et chanté en Italien, ce qui devait indigner le Pape Pie XII lui-même, grand admirateur de Wagner dans la langue de Goethe ; ce Macbeth d’exception, donné en ouverture de saison à la Scala en décembre 1952, sous la baguette flamboyante de Vittorio de Sabata, jusqu’alors pratiquement inaudible dans les éditions précédentes ; une Médée et une Somnambule, également captées à la Scala, sous la direction du jeune Leonard Bernstein.

Le sommet de ces rééditions : la Lucia di Lammemoor conduite par Karajan à Berlin en septembre 1955, très supérieure aux deux autres versions réalisées en studio, et reproduite dans le son excellent dont la radio berlinoise était déjà capable en ces années-là.

Un seul regret, le choix de La Traviata produite à Lisbonne, en 1958, avec le jeune et excellent Alfredo Kraus en Alfredo, où le timbre de la Diva révèle déjà quelques altérations et dont la direction de Franco Ghione est routinière. On eût préféré, à tous égards, la production de 1955 à la Scala, dirigée par Giulini et mise en scène par Visconti dont on murmure qu’il existerait des copies sur bandes stéréophoniques. 

Cerise sur le gâteau, les 3 Blue Ray présents dans ce coffret contiennent des archives télévisées d’un intérêt exceptionnel, reproduites dans d’excellentes conditions, dont les concerts produits à Hambourg en 1959 et en 1962 et les dernières apparitions de la Diva à la BBC, en 1964. Mais on s’attachera d’abord à cette archive de la télévision française contenant le fameux Concert de Gala donné au profit de la Croix rouge, le 19 décembre 1958, à l’Opéra Garnier, en présence du Président Coty dont c’était la dernière sortie officielle en ces derniers temps de la IVe République. Moins d’un an après le scandale de l’Opéra de Rome, Callas y est splendide, tant dans le récital donné en première partie que dans le second acte de La Tosca où elle retrouve son ami Tito Gobbi en Scarpia et le jeune Albert Lance en Cavaradossi, sous la baguette particulièrement experte de Georges Sebastian.


Oui, plus que jamais, avec cette magnifique édition, Maria Callas est toujours présente parmi nous.

 

Jean-Pierre Pister

Vice-président du Cercle Lyrique de Metz

Callas collection