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La Force du destin ou VERDI assassiné

Flaubert affirmait qu’« on fait de la critique quand on ne peut pas faire de l'art, de même qu'on se met mouchard quand on ne peut pas être soldat ». Ce jugement assassin relève du règlement de compte entre l’écrivain et le monde littéraire officiel de son époque, rétif aux pratiques novatrices de l’auteur de Madame Bovary. On est tenté d’user de cet aphorisme pour dénoncer la pratique actuelle de trop de metteurs en scène d’opéra qui n’hésitent pas à s’emparer des grandes œuvres lyriques du passé pour y déverser tous leurs fantasmes.

Tels des coucous qui s’emparent des nids construits par d’autres volatiles pour y pondre leurs œufs, ils inventent un autre scénario sans se soucier de sa pertinence avec le livret et la musique originels. Le spectateur qui a eu la chance de voir sur scène, La Force du destin, telle que Verdi et son librettiste Piave l’ont conçue, perçoit cet ouvrage comme une sorte de compendium du génie musical du maître italien. La partition offre moult scènes tragiques, les protagonistes sont poursuivis par des personnages vengeurs (le frère de l’héroïne veut tuer sa sœur et son amant).

Chacun est menacé de mort ou est supposé décédé, avant de réapparaître. Cette course poursuite macabre est entremêlée de moments burlesques ; la ferveur mystique à laquelle s’abandonnent finalement les héros est contrebalancée par des séquences assez libertines (moines compris). Par ailleurs, tout au long de cet opéra, se déploie un lyrisme irrésistible et envoûtant. D’où la nécessité de voix exceptionnelles (soprano, mezzo, ténor, baryton, basse). Le plaisir sensoriel du spectateur est ainsi soutenu du début à la fin de la représentation.

Les protagonistes au MET étaient à la hauteur des exigences de ce magnifique ouvrage qui offre une sorte de génial festival verdien. Le MET a heureusement les moyens de s’offrir de telles distributions. Peu importe alors l’invraisemblance de l’histoire racontée. Verdi démontre là sa pleine maîtrise musicale : datée de 1862, l’œuvre se situe entre Un bal masqué et Don Carlos, autres grandes réussites lyriques du Maître. Nous sommes donc au seuil des très grands ouvrages qui suivront bientôt et consacreront définitivement le génie du compositeur.

Hélas, à New-York, l’intrigue était, comme trop souvent aujourd’hui, située au XXe siècle, provoquant un découplage fâcheux entre les paroles chantées et les images que l’on voyait. Par exemple, le prétendu déshonneur de l’héroïne, menacée de mort par son frère qui poursuit son coupable séducteur, n’a que peu de vraisemblance de nos jours.

Autre regret : les coupures de scènes importantes, bien que burlesques : non seulement elles montrent l’habileté de Verdi dans un genre où on l’imagine peu, mais elles sont un contrepoint nécessaire à la tension dramatique excessives des scènes tragiques. Tout le génie de Verdi est déjà là, et il continue d’enchanter les mélomanes du XXIe siècle. Inutile donc de le polluer avec des mises en scène absurdes et hors de propos. Danielle Pister Vice-présidente du Cercle Lyrique de Metz